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de cuivre façonné qu’on peut trouver sur la voie publique. Cette curieuse monnaie, qui prend le nom de loques, a un cours invariable et fort bien réglé dans cette petite bohème d’enfants.

Enfin il a sa faune à lui, qu’il observe studieusement dans des coins ; la bête à bon Dieu, le puceron tête-de-mort, le faucheux, le « diable », insecte noir qui menace en tordant sa queue armée de deux cornes. Il a son monstre fabuleux qui a des écailles sous le ventre et qui n’est pas un lézard, qui a des pustules sur le dos et qui n’est pas un crapaud, qui habite les trous des vieux fours à chaux et des puisards desséchés, noir, velu, visqueux, rampant, tantôt lent, tantôt rapide, qui ne crie pas, mais qui regarde, et qui est si terrible que personne ne l’a jamais vu ; il nomme ce monstre « le sourd ». Chercher des sourds dans les pierres, c’est un plaisir du genre redoutable. Autre plaisir, lever brusquement un pavé, et voir des cloportes. Chaque région de Paris est célèbre par les trouvailles intéressantes qu’on peut y faire. Il y a des perce-oreilles dans les chantiers des Ursulines, il y a des mille-pieds au Panthéon, il y a des têtards dans les fossés du Champ de Mars.

Quant à des mots, cet enfant en a comme Talleyrand. Il n’est pas moins cynique, mais il est plus honnête. Il est doué d’on ne sait quelle jovialité imprévue ; il ahurit le boutiquier de son fou rire. Sa gamme va gaillardement de la haute comédie à la farce.

Un enterrement passe. Parmi ceux qui accompagnent le mort, il y a un médecin. — Tiens, s’écrie un gamin, depuis quand les médecins reportent-ils leur ouvrage ?