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Et de Louis quatorze ayant gardé l’allure,
Portaient encor perruque ; à cette chevelure
La Révolution, du haut de son beffroi,
Cria : Transforme-toi ! c’est l’heure. Remplis-toi
De l’âme de ces mots que tu tiens prisonnière !
Et la perruque alors rugit, et fut crinière.
Liberté ! c’est ainsi qu’en nos rébellions,
Avec des épagneuls nous fîmes des lions,
Et que, sous l’ouragan maudit que nous soufflâmes,
Toutes sortes de mots se couvrirent de flammes.
J’affichai sur Lhomond des proclamations.
On y lisait : « — Il faut que nous en finissions !
« Au panier les Bouhours, les Batteux, les Brossettes !
« À la pensée humaine ils ont mis les poucettes.
« Aux armes, prose et vers ! formez vos bataillons !
« Voyez où l’on en est : la strophe a des bâillons,
« L’ode a des fers aux pieds, le drame est en cellule.
« Sur le Racine mort le Campistron pullule ! — »
Boileau grinça des dents ; je lui dis : Ci-devant,
Silence ! et je criai dans la foudre et le vent :
Guerre à la rhétorique et paix à la syntaxe !
Et tout quatrevingt-treize éclata. Sur leur axe,
On vit trembler l’athos, l’ithos et le pathos.
Les matassins, lâchant Pourceaugnac et Cathos,
Poursuivant Dumarsais dans leur hideux bastringue,
Des ondes du Permesse emplirent leur seringue.
La syllabe, enjambant la loi qui la tria,
Le substantif manant, le verbe paria,
Accoururent. On but l’horreur jusqu’à la lie.
On les vit déterrer le songe d’Athalie ;
Ils jetèrent au vent les cendres du récit
De Théramène ; et l’astre Institut s’obscurcit.
Oui, de l’ancien régime ils ont fait tables rases,
Et j’ai battu des mains, buveur du sang des phrases,
Quand j’ai vu, par la strophe écumante et disant
Les choses dans un style énorme et rugissant,