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III

ÉCRIT EN 1846

« … Je vous ai vu enfant, monsieur, chez votre respectable mère, et nous sommes même un peu parents, je crois. J’ai applaudi à vos premières odes, la Vendée, Louis XVII… Dès 1827, dans votre ode dite À la colonne, vous désertiez les saines doctrines, vous abjuriez la légitimité ; la faction libérale battait des mains à votre apostasie. J’en gémissais… Vous êtes aujourd’hui, monsieur, en démagogie pure, en plein jacobinisme. Votre discours d’anarchiste sur les affaires de Gallicie est plus digne du tréteau d’une Convention que de la tribune d’une Chambre des pairs. Vous en êtes à la Carmagnole… Vous vous perdez, je vous le dis. Quelle est donc votre ambition ? Depuis ces beaux jours de votre adolescence monarchique, qu’avez-vous fait ? où allez-vous ?… »

(Le marquis de C. d’E. — Lettre à Victor Hugo.
Paris, 1846.)


I


Marquis, je m’en souviens, vous veniez chez ma mère.
Vous me faisiez parfois réciter ma grammaire ;
Vous m’apportiez toujours quelque bonbon exquis ;
Et nous étions cousins quand on était marquis.
Vous étiez vieux, j’étais enfant ; contre vos jambes
Vous me preniez, et puis, entre deux dithyrambes
En l’honneur de Coblentz et des rois, vous contiez
Quelque histoire de loups, de peuples châtiés,
D’ogres, de jacobins, authentique et formelle,
Que j’avalais avec vos bonbons, pêle-mêle,
Et que je dévorais de fort bon appétit
Quand j’étais royaliste et quand j’étais petit.