Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/243

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Peut-être, livide et pâlie,
Dit-elle dans son lit étroit :
— Est-ce que mon père m’oublie
Et n’est plus là, que j’ai si froid ? —

Quoi ! lorsqu’à peine je résiste
Aux choses dont je me souviens,
Quand je suis brisé, las et triste,
Quand je l’entends qui me dit : Viens !

Quoi ! vous voulez que je souhaite,
Moi, plié par un coup soudain,
La rumeur qui suit le poëte,
Le bruit que fait le paladin !

Vous voulez que j’aspire encore
Aux triomphes doux et dorés !
Que j’annonce aux dormeurs l’aurore !
Que je crie : Allez ! espérez !

Vous voulez que, dans la mêlée,
Je rentre ardent parmi les forts,
Les yeux à la voûte étoilée… —
Oh ! l’herbe épaisse où sont les morts !


10 novembre 1846.