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Glissent les scorpions mêlés aux tarentules.
Morne abîme !

Morne abîme !Au-dessus de ce plafond fangeux,
Dans les cieux, dans le cirque immense et plein de jeux,
Sur les pavés sabins, dallage centenaire,
Roulent les chars, les bruits, les vents et les tonnerres ;
Le peuple gronde et rit dans le forum sacré ;
Le navire d’Ostie au port est amarré,
L’arc triomphal rayonne, et sur la borne agraire
Tettent, nus et divins, Rémus avec son frère
Romulus, louveteaux de la louve d’airain ;
Non loin, le fleuve Tibre épand son flot serein,
Et la vache au flanc roux y vient boire, et les buffles
Laissent en fils d’argent l’eau tomber de leurs mufles.

Le hideux souterrain s’étend dans tous les sens ;
Il ouvre par endroits sous les pieds des passants
Ses soupiraux infects et flairés par les truies ;
Cette cave se change en fleuve au temps des pluies ;
Vers midi, tout au bord du soupirail vermeil,
Les durs barreaux de fer découpent le soleil,
Et le mur apparaît semblable au dos des zèbres ;
Tout le reste est miasme, obscurité, ténèbres.
Par places le pavé, comme chez les tueurs,
Paraît sanglant ; la pierre a d’affreuses sueurs ;
Ici, l’oubli, la peste et la nuit font leurs œuvres.
Le rat heurte en courant la taupe ; les couleuvres
Serpentent sur le mur comme de noirs éclairs ;
Les tessons, les haillons, les piliers aux pieds verts,