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APOTHÉOSE.

La caserne l’adore, on le bénit au prône ;
L’Europe est sous ses pieds et tremble sous son trône.
Il règne par la mitre et par le hausse-col.
Ce trône a trois degrés, parjure, meurtre et vol.

O Carrare ! ô Paros ! ô marbres pentéliques !
O tous les vieux héros des vieilles républiques
O tous les dictateurs de l’empire latin !
Le moment est venu d’admirer le destin.
Voici qu’un nouveau dieu monte au fronton du temple.
Regarde, peuple, et toi, froide histoire, contemple.
Tandis que nous, martyrs du droit, nous expions,
Avec les Périclès, avec les Scipions,
Sur les frises où sont les victoires aptères,
Au milieu des césars trainés par des panthères,
Vêtus de pourpre et ceints du laurier souverain,
Parmi les aigles d’or et les louves d’airain,
Comme un astre apparaît parmi ses satellites,
Voici qu’à la hauteur des empereurs stylites,
Entre Auguste à l’œil calme et Trajan au front pur,
Resplendit, immobile en l’éternel azur,
Sur vous, ô panthéons, sur vous, ô propylées,
Robert Macaire avec ses bottes éculées !

Jersey, décembre 1852.