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pas oubliées. C’est un artiste dévoué à l’art, qui n’a jamais cherché le succès par de pauvres moyens, qui s’est habitué toute sa vie à regarder le public fixement et en face. C’est un homme sincère et modéré, qui a déjà livré plus d’un combat pour toute liberté et contre tout arbitraire ; qui, en 1829, dans la dernière année de la restauration, a repoussé tout ce que le gouvernement d’alors lui offrait pour le dédommager de l’interdit lancé sur Marion de Lorme, et qui, un an plus tard, en 1830, la révolution de juillet étant faite, a refusé, malgré tous les conseils de son intérêt matériel, de laisser représenter cette même Marion de Lorme, tant qu’elle pourrait être une occasion d’attaque et d’insulte contre le roi tombé qui l’avait proscrite ; conduite bien simple sans doute, que tout homme d’honneur eût tenue à sa place, mais qui aurait peut-être dû le rendre inviolable désormais à toute censure, et à propos de laquelle il écrivait, lui, en août 1831 : … « Les succès de scandale cherché et d’allusions politiques ne lui sourient guère, il l’avoue. Ces succès valent peu et durent peu. Et puis, c’est précisément quand il n’y a plus de censure qu’il faut que les auteurs se censurent eux-mêmes, honnêtement, consciencieusement, sévèrement. C’est ainsi qu’ils placeront haut la dignité de l’art. Quand on a toute liberté, il sied de garder toute mesure[1]. »

Jugez maintenant. Vous avez d’un côté l’homme et son œuvre ; de l’autre le ministère et ses actes.

À présent que la prétendue immoralité de ce drame est réduite à néant, à présent que tout l’échafaudage des mauvaises et honteuses raisons est là, gisant sous nos pieds,

  1. Voyez la préface de Marion de Lorme.