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C'était beau, c'était grand, c'était ainsi jadis,
Dans le temps qu'on était des jeunes gens hardis,
Et que, libre, on allait chanter dans la montagne !
Est-ce que c'en est fait dans le deuil qui nous gagne ?
Est-ce que les bons cœurs et les hommes de bien
Ne verront plus cela sous les cieux : Dieu pour rien ?

Rome n'a qu'un regret, c'est que la bête échappe
À l'ombre monstrueuse et large de sa chape,
Que l'animal soit franc de son pouvoir jaloux,
Que l'ours rôde en dehors du fisc, et que les loups
Respirent l'air des cieux depuis le temps d'Évandre
Sans qu'on puisse trouver moyen de le leur vendre.
Dieu vole la nature au prêtre ; il la soustrait ;
Il lui dit : Sauve-toi dans la vaste forêt !
C'est son tort. Le soleil est de mauvais exemple ;
Il ne réserve pas sa dorure au seul temple ;
Il empourpre les toits laïcs, grands et petits,
Les maisons, les palais, les cabanes, gratis.
Quoi ! le brin d'herbe est libre et donne ce scandale
De croître effrontément aux fentes de la dalle !
La folle avoine, auprès du lierre son voisin,
Pousse, sans acquitter le droit diocésain !
Quoi ! depuis que l'Etna s'assied sur sa fournaise,
Géant sombre, il n'a pas encor payé sa chaise !
Quoi ! l'éclair passe, va, revient, sans rien donner !
Quoi ! l'étoile ose luire, éclairer, rayonner,