Ces globes, qu’en prisons, Seigneur, vous transformâtes,
Ces planètes-pontons, ces mondes-casemates,
Flottes noires du châtiment,
Errent, et sur les flots tortueux et funèbres,
Leurs mâts de nuit, portant des voiles de ténèbres,
Frissonnent éternellement.
Des tourbillons ayant des formes de furies
Les poursuivent ; les pleurs, sources jamais taries,
Les angoisses et les effrois,
Le désespoir, l’ennui, la démence, le crime,
Vident sur ces passants monstrueux de l’abîme
Toutes leurs urnes à la fois.
Là sont tous les punis et tous les misérables ;
Rongés par leurs passés, ulcères incurables,
La face aux trous de leurs cachots,
Criant : où sommes-nous ? d’une voix éperdue,
Et distinguant parfois, sous eux, dans l’étendue,
Des monts, pustules du chaos.
Page:Hugo - La Légende des siècles, 3e série, édition Hetzel, 1883.djvu/62
Cette page n’a pas encore été corrigée