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L'homme est par eux aussi lumineux qu'il puisse être.
J'ai lu monsieur Leuret, le sage de Bicêtre
Et je n'ignore pas qu'un poëte est un fou ;
Je sais que Planche crie à Milton : casse-cou !
Qu'avoir fait l'Iliade est, auprès de Nonotte
Et du bon abbé Gaume, une mauvaise note,
Et qu'au nom du bon sens, du bon goût, et de l'art,
Shakspeare est dédaigné par monsieur Baculard ;
Je sais cela, j'en suis tremblant, et pourtant j'ose
Trouver dans tout ce tas de songeurs quelque chose ;
Je vois ce qu'ils ont vu, je crois ce qu'ils ont cru ;
Le visage du vrai là-haut m'est apparu,
Splendide, et ma prunelle en demeure éblouie.
Ils ont affirmé l'âme ; et tous mes sens, l'ouïe,
Les yeux, rendent chez moi témoignage pour eux.
Sans doute il est bien doux d'être fort malheureux
Et de traîner des fers pendant beaucoup d'années,
Et de se dire : Après les dures destinées,
Après avoir souffert, après avoir pleuré,
Après avoir été de griffes effleuré
Et souffleté par l'aile obscure de l'envie,
Après avoir été juste toute ma vie,
Après avoir au front porté comme un cimier
La probité, j'aurai l'honneur d'être fumier,
Et je serai l'égal dans le sépulcre infâme
De Nisard comme esprit et de Judas comme âme.
Là s'efface l'immense et vaine vision ;
Et tous les hommes, ceux de Tyr, ceux de Sion,