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Au sommet de ce char s'agitait étonné, Et se courbait furtif, livide et couronné. Pas un de ces césars à l'allure guerrière Ne regardait cet homme. À l'écart, et derrière, Vêtu d'un noir manteau qui semblait un linceul, Espèce de lépreux du trône, il venait seul ; Il posait les deux mains sur sa face morose Comme pour empêcher qu'on y vît quelque chose : Quand parfois il ôtait ses mains en se baissant, En lettres qui semblaient faites avec du sang On lisait sur son front ces trois mots : Je le jure.

Quoiqu'ils fussent encore au fond de l'ombre obscure, Hommes hideux, de traits et d'âge différents, Je les distinguais tous, car ils étaient très grands. Je crus voir les titans de l'antique nature. Mais ces géants brumeux décroissaient à mesure Qu'ils s'éloignaient du point dont ils étaient partis, Et, plus ils s'approchaient, plus ils étaient petits. Ils rentraient par degrés dans la stature humaine ; La clarté les fondait ainsi qu'une ombre vaine ; Eux que j'avais crus hauts plus que les Apennins, Quand ils furent tout près de moi, c'étaient des nains. Et l'ange, se dressant dans la brume indécise, Était penché sur eux comme la tour de Pise.