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Les vapeurs au-dessous flottaient basses et lentes. Les chars étaient traînés par des bêtes volantes, Montres inconnus même au gouffre sans clarté ; Attelages impurs ! L'un était emporté Par des tigres ailés au pied large, aux yeux mornes, L'autre par des griffons, l'autre par des licornes, L'autre par des vautours à deux têtes, ayant Des diadèmes d'or sur leur front flamboyant. Tous ces monstres poussaient des cris, battaient de l'aile Tantôt mêlés, tantôt en ligne parallèle. Les trônes approchaient sous ces lugubres cieux, On entendait gémir autour des noirs essieux La clameur de tous ceux qu'avaient broyés leurs roues ; Ils venaient, ils fendaient l'ombre comme des proues ; Sous un souffle invisible ils semblaient se mouvoir ; Rien n'était plus étrange et plus farouche à voir Que ces chars effrayants tourbillonnant dans l'ombre. Dans le gouffre tranquille où l'humanité sombre, Ces trônes de la terre apparaissaient hideux.

Le dernier qui venait, horrible au milieu d'eux, Était à chaque marche encombré de squelettes Et de cadavres froids aux bouches violettes, Et le plancher rougi fumait, de sang baigné ; Le char qui le portait dans l'ombre était traîné Par un hibou tenant dans sa griffe une hache. Un être aux yeux de loup, homme par la moustache,