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Et tous semblaient vouloir se taire.

— Vous êtes, dit l'esprit, les juges de la terre. De vous tous qui teniez le livre de la loi Pas un ne me connaît, mais je vous connais, moi. Écoutez. Vous avez trahi le droit auguste, Absous les scélérats, condamné l'homme juste, Et lié l'innocence aux pieds du crime heureux. Quand le massacre ouvrant ses ongles ténébreux, Planait sur la cité qui lutte et qui s'effraie, Vous avez comme un aigle adoré cette orfraie ; Quand les soldats noyaient dans le meurtre les lois, À leurs cris furieux vous mêliez votre voix, Vous mettiez votre bouche à leurs clairons de cuivre, C'est vous qui de la loi tenant toujours le livre, Des martyrs aux brigands partagiez les habits ; C'est vous qui livriez aux tigres les brebis ; C'est vous qui des héros traîniez les agonies Du carcan au gibet, du bagne aux gémonies, Juges ; et le bourreau d'épouvante vêtu, Voyant qu'on lui disait d'égorger la vertu, Pensait dans son esprit : Ces hommes-là se trompent. Vous vous êtes assis aux festins qui corrompent, Vous avez applaudi le mal, ri du remords, Et vous avez craché sur la face des morts. Ô juges, ce sont là des choses exécrables. Qu'avez-vous à répondre ?