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C'étaient des millions d'hommes bardés de fer, Comme Bordeaux en vit du temps de Gaïfer, Cavaliers, fantassins, multitudes fatales, Au cri rauque, au pas lourd, aux statures brutales, À l'œil stupide, ayant des chiffres sur le front. Quelques-uns ressemblaient aux hiboux à l'œil rond, D'autres au léopard hurlant dans sa tanière. Ils étaient tous vêtus de la même manière ; Ils étaient teints de sang, des cheveux aux talons ; Noirs, pressés, ils venaient, sauvages bataillons ; Leurs armes m'étonnaient et m'étaient inconnues. Ils surgissaient en foule et par mille avenues. C'étaient des légions et puis des légions, Flot d'hommes inondant ces mornes régions, Chaos, têtes sans nombre au loin diminuées ; Les croupes des chevaux se mêlaient aux nuées ; Ils traînaient après eux des chariots d'airain Avec le roulement d'un foudre souterrain. Un grand vautour doré les guidait comme un phare. Tant qu'ils étaient au fond de l'ombre, la fanfare, Comme un aigle agitant ses bruyants ailerons, Chantait claire et joyeuse au fond des escadrons, Trompettes et tambours sonnaient, et des centaures Frappaient des ronds de cuivre entre leurs mains sonores, Mais, dès qu'ils arrivaient devant le flamboiement, Les clairons effarés se taisaient brusquement, Tout ce bruit s'éteignait. Reculant en désordre, Leurs chevaux se cabraient et cherchaient à les mordre,