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Ayant ployé sa tête à jamais vers la terre ; Des vieillards, dont le sang coulait à longs ruisseaux, Tiraient avec leurs doigts des balles de leurs os ; D'autres touchaient leurs yeux crevés par les mitrailles ; D'autres avec leurs mains soutenaient leurs entrailles ; Innombrables, meurtris, pâles, échevelés, Tous, dans la nuit farouche affreusement mêlés, Dressaient leur front, et ceux qui n'avaient pas de têtes Élevaient leurs deux poings, et le vent des tempêtes Soufflait, et derrière eux, accroupis, accablés, On voyait un monceau de fantômes voilés, Muets et noirs ; c'étaient les veuves et les mères. La rumeur qui sortait de ces ombres amères Ressemblait au bruit sourd que les grands arbres font ; Et, devant la clarté qui flamboyait au fond, Joignant leurs mains, tordant leurs bras, ils s'arrêtèrent, Et, comme tous sortaient de la fosse, ils ôtèrent La terre de leur bouche, et crièrent : Seigneur !

À ce grand mot qui dit gloire, amour et bonheur, L'abîme qui n'a plus, sous la verge inflexible, Le droit de prononcer ce nom inaccessible Poussa dans la nuit triste un long gémissement.


                                       VII