Page:Hugo - La Légende des siècles, 3e série, édition Hetzel, 1883.djvu/256

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Et je sentis mes yeux se fermer, comme si, Dans la brume, à chacun des cils de mes paupières Une main invisible avait lié des pierres. J'étais comme est un prêtre au seuil du saint parvis, Songeant, et, quand mes yeux se rouvrirent, je vis L'ombre ; l'ombre hideuse, ignorée, insondable, De l'invisible Rien vision formidable, Sans forme, sans contour, sans plancher, sans plafond, Où dans l'obscurité l'obscurité se fond ; Point d'escalier, de pont, de spirale, de rampe ; L'ombre sans un regard, l'ombre sans une lampe ; Le noir de l'inconnu, d'aucun vent agité ; L'ombre, voile effrayant du spectre éternité. Qui n'a point vu cela n'a rien vu de terrible. C'est l'espace béant, l'étendue impossible, Quelque chose d'affreux, de trouble et de perdu Qui fuit dans tous les sens devant l'œil éperdu, La cécité glacée est plus qu'un marbre lourde, Une tranquillité muette, aveugle et sourde,