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Tout en dormant je crus entendre à mon côté Une voix qui parlait dans une obscurité, Et qui disait des mots étranges et funèbres. Je m'écriai : Qui donc est là dans les ténèbres ? Et j'ajoutai, frottant mes yeux noirs et pesants : Combien ai-je dormi ? La voix dit : Cinq cents ans ; Tu viens de t'éveiller pour finir ton poëme Dans l'an cinquante-trois du siècle dix-neuvième.

Et je me réveillai tout à fait ; je n'avais Plus rien autour de moi ; la tombe aux durs chevets S'était évanouie avec sa voûte sombre, Et j'étais hors du temps, de la forme et du nombre ; Debout sans savoir où ni sans savoir sur quoi. Enfin un peu de jour arriva jusqu'à moi, Mes prunelles s'étant à l'ombre habituées Alors je distinguai deux portes de nuées ; L'une au fond, devant moi ; l'autre en bas, au-dessous D'un brouillard composé des éléments dissous, Comme un puits qu'on verrait dans les eaux. La première, Splendide, semblait faite avec de la lumière ; C'était un trou de feu dans un nuage d'or ; Quelqu'un, celui qui parle aux sibylles d'Endor, Pour construire cet arc, splendide météore, Avait pris et courbé les rayons de l'aurore ; Du moins je le pensai, non sans frémissement. Cette porte, où luisaient l'astre et le diamant,