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Mais celui-ci, qu’est-il ? qu’a-t-il fait ? parlons-en.
Il est né. Bien ? Non, mal. C’est mal naître qu’entendre
Tout petit vous parler avec une voix tendre
Ceux que l’homme connaît par leur rugissement ;
C’est mal naître, c’est naître épouvantablement
Qu’être dans son berceau léché d’une tigresse ;
Par sa croissance, hélas ! donner de l’allégresse
À l’hyène, et donner de la crainte à l’agneau,
C’est mal croître, être fait de bronze, être un anneau
De la chaîne de rois que l’humanité traîne,
C’est triste ; et ce n’est point, certe, une aube sereine
Que celle qui voit naître un tyran ! Celui-ci.
Donc, mal né, vécut mal. Les gueux ont pour souci
De voler des liards, il vola des provinces.
Il a fait ce que font à peu près tous les princes,
Il a mangé, dormi, bu, tué devant lui ;
Il a régné féroce au hasard de l’ennui ;
Il fut l’homme qui frappe, opprime, égorge, exile ;
Ce fut un scélérat, ce fut un imbécile.
J’en parle simplement comme on en doit parler.
La mort savait son nom et vient de l’appeler ;
Il est là. Le tombeau, c’est l’endroit difficile ;
Ce n’est point un cachot, ce n’est point un asile ;
C’est le lieu sombre où nul n’est plus en sûreté ;
Le rendez-vous du fourbe avec la vérité,
Le rendez-vous de l’homme avec la conscience.