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Il peut faire de nous ce qu’il veut. Dans notre âme
Nous voyons nos cités et nos hameaux en flamme
Sauvés par ce vengeur qui chasse l’étranger ;
Ou nous sentons au fond de nos haines plonger
L’hymne de paix sorti d’une bouche divine,
Notre cœur s’ouvre au chant sublime où l’on devine
Tout cet immense amour par qui le monde vit ;
Et nous suivons Pélage et nous suivons David !
Oui, pour que l’un de vous, bien qu’en nous tout réclame ;
Fasse fondre l’hiver que nous avons dans l’âme,
Pour qu’un de nos tyrans devienne un de nos dieux,
Pour que nous, qui souffrons sous le ciel radieux,
Nous fils du désespoir et fils de la patrie,
Nous servions l’un de vous avec idolâtrie,
Une chose suffit, c’est qu’on lui voie au poing
Le fer que l’étranger insolent n’attend point,
Ou que sa grande voix verse au cœur l’harmonie ;
C’est qu’il soit un héros ou qu’il soit un génie !
Rois, nous ne sommes pas plus méchants que cela.

C’est pourtant vrai ! toujours, quand un prince brilla,
Quand il eut un rayon quelconque sur la tête,
L’immense peuple altier, puissant, auguste, et bête,
S’est fait son serviteur, son chien, son courtisan.