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Mais toi, quelle est ta peine ? aucune ; et ton mérite ?
Nul. On croit être grand, quoi ! parce qu’on hérite !
Ton père t’a laissé le monde en s’en allant.
Être né, quel effort ! avoir faim, quel talent !
Téter sa mère, et puis manger un peuple ! Ô prince !
Ton appétit est gros, mais ton génie est mince,
Un beau jour, sous ta pourpre et sous ton cordon bleu,
Trouvant qu’avoir un peuple à toi seul, c’est trop peu,
Tu jettes un regard de douce convoitise
Sur un empire ainsi qu’un bouc sur un cytise.
Tu dis : Si j’empochais le peuple d’à côté ?
Alors, de force, aidé dans ta férocité
Par le prêtre qui fouille au fond du ciel, dévisse
La foudre, et met le Dieu de l’ombre à ton service,
De ton flamboiement noir toi-même t’aveuglant,
Tu saisis, glorieux, sacré, béni, sanglant,
N’importe quel pays qui soit à ta portée ;
Toute la terre tremble et crie épouvantée ;
Toi, tu viens dévorer, tu fais ce qu’on t’apprit ;
Tu ne te mets en frais d’aucun effort d’esprit ;
Tu fais assassiner tout avec nonchalance,
À coups d’obus, à coups de sabre, à coups de lance.
C’est simple. Eh bien, tu viens prendre une nation,
Voilà tout. N’es-tu pas l’extermination,
Le droit divin, l’élu qu’un fakir, un flamine,
Un bonze, a frotté d’huile et mis dans de l’hermine !
Va, prends. Les hommes sont ta chose. Alors cités,