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Toi qui souvent, pensive et pure, te recueilles,
Toi qui soupires, toi qui songes, toi qui vois,
Tu prêteras l'oreille à de sauvages voix,
Et tu te pencheras sur des échos sublimes ;
Car c'est l'altier pays des gouffres et des cimes,
Belle, et le cœur de l'homme y devient oublieux
De tout ce qui n'est pas l'aurore et les hauts lieux ;
Et tu seras bien là, toi radieuse et fière ;
Tu seras à mon ombre et moi dans ta lumière.

Viens ; devant la splendeur de cet horizon bleu,
Nous sentirons en nous croître dans l'ombre un dieu ;
Viens, nous nous aimerons dans ces fiers paysages
Comme s'aimaient jadis les belles et les sages,
Comme Socrate aimait Aspasie aux seins nus,
Comme Eschyle, le chantre immense, aimait Vénus,
Dans l'extase sereine et sainte, dans l'ivresse,
L'héroïsme, la joie et l'espoir ; car la Grèce,
Terre où dans le réel l'idéal se confond,
Seule, a de ces amours, avec l'Olympe au fond.
Oh ! l'amour, le superbe amour, c'est le mystère !
Dieu manquerait au ciel s'il manquait à la terre,
Car la création n'est qu'un vaste baiser ;
Aimer, c'est le moyen de Dieu pour apaiser.
C'est le cœur qui nous crée et l'âme qui nous sauve ;