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Bout tout entière ainsi qu'une eau dans la chaudière,
Et tout rit, le soleil étant l'incendiaire.
Oh ! quelle vaste joie en cet abîme bleu !
À toute cette aurore il faudra dire adieu.
Hélas ! cela finit par s'éteindre, une fête !
Nous n'y consentons pas, on détourne la tête,
À chaque heure qui passe on veut se retenir.
Mais rien ne ralentit le pas de l'avenir,
Il ne demande pas la permission d'être,
Il vient. Souvenons-nous que demain est un traître,
Et, puisque nous avons Aujourd'hui, jouissons.
L'eau qui fuit en chantant nous donne des leçons ;
Fuyons, mais chantons. L'air est plein de senteurs douces
Un ensemencement de fleurs couvre les mousses.
L'homme est ombre ; on ne peut guère dire pourquoi
Nous sommes sur la terre. Eh bien, je le dis, moi,
C'est pour aimer. Et Dieu nous a créés pour faire
Éclore un peu d'amour sur cette obscure sphère
Et pour faire lever un astre dans nos cœurs.
Être deux, c'est la loi. Les merles, ces moqueurs,
L'observent aussi bien que le ramier fidèle.
Si la nature, avec de si puissants coups d'aile,
Remue éperdument et partout à la fois
La vie au fond des mers, des cieux, des champs, des bois,
C'est afin d'arriver à son but, faire un couple.
Si le chêne est solide et si la branche est souple,
C'est parce que le nid a besoin dans l'azur
Que le rameau soit tendre, et que l'arbre soit sûr.