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Le dolmen, dont l'ortie ensevelit les tables,
Pousse un soupir ; les morts se dressent lamentables.
Gémissent-ils ? écoutent-ils ?
La jusquiame affreuse entr'ouvre ses corolles ;
La mandragore laisse échapper des paroles
De ses mystérieux pistils.

Qu'a-t-on fait à la ronce et qu'a-t-on fait à l'arbre ?
Qu'ont-ils donc à pleurer ? Pour qui l'antre de marbre
Verse-t-il ces larmes d'adieux ?
Sont-ce les noirs Caïns d'une faute première ?
Deuil ! ils ont la souffrance et n'ont pas la lumière !
Ils ont des pleurs et n'ont pas d'yeux !

Le navire se plaint comme un homme qui souffre,
Le tuyau grince et fume, et le flot qui s'engouffre
Blanchit les tambours du steamer,
Le crabe, le dragon, l'orphe aux larges ouïes,
Nagent dans l'ombre où rampe en formes inouïes
La vie horrible de la mer.