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Hélas ! vieillir, trembler comme une feuille d'arbre,
Se refroidir, sentir ses os devenir marbre,
Après des songes noirs avoir de froids réveils,
Quel sort ! et l'homme pleure.
                                               — Eh, disent les soleils,
Qu'est-ce donc que veut l'homme ? et quelle est sa folie ?
Le joug universel le comprime et le lie ;
Eh bien ? que lui faut-il et de quoi se plaint-il ?
L'être le plus grossier, l'être le plus subtil
Sont courbés comme lui par la force invisible.
Insensé, qui voudrait étreindre l'impossible
Dans les crispations débiles de son poing !
Il ne sait point que l'être est un ; il ne sait point
Que le mystère obscur couvre tout de sa brume ;
Que les vagues de l'ombre ont une affreuse écume
À qui nul front n'échappe, éblouissant ou noir,
Et que tout ce qui vit est fait pour recevoir
L'éclaboussure énorme et sombre de l'abîme.
Il trouve son destin trop humble et trop infime ;
Il se sent abaissé par ce ciel écrasant,
Eh ! c'est la loi commune, et rien n'en est exempt.
Il hait la cause ; il garde à l'infini rancune ;
Il voudrait être clair, limpide, sans aucune
De ces obscurités qui s'expliquent plus tard,
Que nous nommons énigme et qu'il nomme hasard ;
Il se rêve complet, sans tache, sans problème,