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Qu'il faut aider le faible et bénir l'innocent,
Qu'il faut craindre l'augure et son sceptre d'érable,
Mais que la vérité surtout est vénérable,
Et que les fils d'Adam doivent se dire entre eux
Qu'il s'agit d'être juste et non pas d'être heureux.
Cet homme était sublime et pur dans ses prières ;
C'est pourquoi, je le dis, le voilà sous ces pierres.
Ce mage a cet amas d'affreux cailloux pour lit,
Qui le tua vivant et mort l'ensevelit.
Certes, l'arbre qui près du cadavre s'élève
A plus d'ombrage ayant à ses pieds plus de sève ;
L'herbe est belle, et les vers de terre sont contents ;
Les loups ont, j'en conviens, à manger pour longtemps ;
L'hyène après la chair rongera le squelette ;
J'entends se réjouir dans l'ombre la belette,
Et le corbeau qui hait votre soleil divin ;
Et l'églantier sauvage en fleur dans ce ravin
A pu boire le sang dont ses roses sont faites.
Est-ce donc à cela que servent les prophètes ?

Et Dieu lui répondit :
                                     — D'abord, c'est à cela.
Il faut que la fleur dise à l'aube : me voilà !
L'arbre existe ; il est bon que l'herbe soit épaisse
Afin que la brebis joyeuse s'en repaisse ;