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Hélas, on voit encor les astres se lever,
L'aube sur l'Apennin jeter sa clarté douce,
L'oiseau faire son nid avec les brins de mousse,
La mer battre les rocs dans ses flux et reflux,
Mais la grandeur des cœurs c'est ce qu'on ne voit plus.

Ne croyez pas pourtant que je me décourage.
Je ne fais pas ici le bruit d'un vent d'orage
Pour n'aboutir qu'au doute et qu'à l'accablement.
Non, je vous le redis, sire, le grand dormant
S'éveillera ; non, non, Dieu n'est pas mort, ô princes.
Le peuple ramassant ses tronçons, ses provinces,
Tous ses morceaux coupés par vous, pâle, effrayant,
Se dressera, le front dans la nuée, ayant
Des jaillissements d'aube aux cils de ses paupières ;
Tout luira ; le tocsin sonnera dans les pierres ;
Tout frémira, du cap d'Otrante au mont Ventoux ;
L'Italie, ô tyrans, sortira de vous tous.
De votre monstrueuse et cynique mêlée
Elle s'évadera, la belle échevelée,
En poussant jusqu'au ciel ce cri : la liberté !
Le vieil honneur tient bon et n'a pas déserté.
Pour ouvrir dans la honte ou la roche une issue,
Il suffit d'un coup d'âme ou d'un coup de massue.