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vos tours, à vous, sire, et de la quantité
De mépris qui convient à votre majesté.

Ô misère, pendant que tout entiers vous êtes
Aux plaisirs, aux chansons, aux bals, aux coupe-têtes,
Aux meurtres, aux festins abjects, aux jeux brutaux,
Aux piéges qu'on se tend de châteaux à châteaux,
Ceux-ci pillant ceux-là, ceux-là tondant les autres,
Les plus sanglants disant tout bas des patenôtres,
Sournois, ayant toujours votre ami pour danger ;
Pendant que vous passez votre temps à manger,
À vous soûler de vin et d'horreurs inconnues,
Regardant l'impudeur des femmes presque nues,
Contemplant aux miroirs vos malsaines pâleurs,
Vous parfumant de musc, vous couronnant de fleurs,
Et des gens que j'ai dit grossissant les prébendes,
Hélas ! les sarrasins du Fraxinet, par bandes,
Infestent la Provence et le bas Dauphiné ;
Humbert, dauphin de Vienne, est chez lui confiné ;
Personne ne défend la marche occidentale
Où la cavalerie espagnole s'installe,
Et je ne sache pas qu'un comte ou qu'un marquis
S'en montre curieux et qu'on se soit enquis
De quels Guadalquivirs et de quelles Navarres
Sortent ces catalans et ces almogavares.
Partout l'étranger vient et de Naple aux Grisons
Montre sa pique au bord de nos noirs horizons.