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Car vous seriez frappés, quels que soient vos ancêtres,
Eussiez-vous sur le front l'étoile Aldebaran.
On s'inquiète peu des aïeux d'un tyran,
Du Chéréas quelconque on applaudit l'audace,
Qu'Aurélien soit noble ou bourgeois, qu'il soit dace
Ou hongrois, ce n'est pas ce que je veux savoir ;
Mais il fut dur et sombre, et, quant au vengeur noir
Qui rejette au tombeau cette âme ensanglantée,
Que ce soit Mucapor ou que ce soit Mnesthée,
Qu'importe ? Un tyran tombe, un despote est détruit,
Je n'en demande pas davantage à la nuit.

Ces meurtres-là sont grands ; Brutus en est la marque ;
Chion, Léonidas en poignardant Cléarque,
Ont montré qu'ils étaient disciples de Platon ;
Harmodius n'avait point de poil au menton
Quand il dit : je tuerai le tyran ; il le tue ;
Et la Grèce lui fait dresser une statue
Qui tenait à la main une épée et des fleurs.
On peut frapper le roi qui vit de vos malheurs,
L'usurpateur armé de forfaits et de ruses ;
C'était l'opinion des grecs amants des muses,
Peuple si délicat que, sous ces nobles cieux,
Les orfèvres, sculpteurs des métaux précieux,
Moulaient les coupes d'or sur la gorge des femmes.