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Et l'ossuaire va se lever en sursaut.
Princes, aussi longtemps qu'on croit le ciel compère,
On se tait ; tant qu'on voit le tyran qui prospère
Et le lâche succès qui le suit comme un chien,
C'est bon ; tant que le mal qu'il fait se porte bien,
Sa personne est un dogme et son règne est un culte.
Un beau jour, brusquement, catastrophe, tumulte,
Tout croule et se disperse, et dans l'ombre, les cris,
L'horreur, tout disparaît ; et, quant à moi, je ris
De ceux qu'ébahiraient ces chutes de tonnerre.

Pisistrate, Manfred, Hippias, Foulques-Nerre,
Hatto du Rhin, Jean deux, le pire des dauphins,
Macrin, Vitellius, ont fait de sombres fins ;
Rois, ce ne sont point là des choses que j'invente ;
C'est de l'histoire. On peut régner par l'épouvante
Et la fraude, assisté de tel prêtre moqueur
Et fourbe, à qui les vers mangent déjà le cœur,
On peut courber les grands, fouler la basse classe ;
Mais à la fin quelqu'un dans la foule se lasse,
Et l'ombre soudain s'ouvre, et de quelque manteau
Sort un poing qui se crispe et qui tient un couteau.
Vous dites : — Devant moi tout fléchit et recule ;
Moi, je viens de Turnus ; moi je descends d'Hercule ;
J'ai le respect de tous, étant né radieux
Et fils de ces héros qui touchaient presque aux dieux. —
Ne vous fiez pas trop à vos grands noms, mes maîtres ;