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Eux, ces pères, et nous, cette postérité ?
Ah ! le siècle difforme et funeste où nous sommes,
En étalant, auprès des tombes, de tels hommes,
Si lâches, si méchants, si noirs, que j'en frémis,
Offense la pudeur des aïeux endormis.

Le vent à son gré roule et tord la banderole.
Je n'avais pas dessein quand j'ai pris la parole
De dire tout cela, mais c'est dit, et c'est bon.
Rois, je sens sur ma lèvre errer l'ardent charbon ;
À moi simple, il me vient en parlant des idées ;
La patrie et la nuit sur moi sont accoudées
Et toute l'Italie en mon âme descend.
Je sens mon sombre esprit comme un flot grossissant.
Dieu sans doute a voulu, sire, que votre altesse
Vît l'indignation qui sort de la tristesse.
Je sais que par instants le public devient froid
Pour le bien et le mal, pour le crime et le droit,
Le comble de la chute étant l'indifférence ;
On vit, l'abjection n'est plus une souffrance ;
On regarde avancer sur le même cadran
Sa propre ignominie et l'orgueil du tyran ;
L'affront ne pèse plus ; et même on le déclare.
À ces époques-là de sa honte on se pare ;
Temps hideux où la joue est rose du soufflet.