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Et le bel enfant rose avait eu tort de naître.
Alors un vieux bonhomme accepta ce pauvre être ;
C'était l'aïeul. Parfois ce qui n'est plus défend
Ce qui sera. L'aïeul prit dans ses bras l'enfant
Et devint mère. Chose étrange et naturelle.
Sauver ce qu'une morte a laissé derrière elle ;
On est vieux, on n'est plus bon qu'à cela ; tâcher
D'être le doux passant, celui que vont chercher,
D'instinct, les accablés et les souffrants sans nombre,
Et les petites mains qui se tendent dans l'ombre ;
Il faut bien que quelqu'un soit là pour le devoir ;
Il faut bien que quelqu'un soit bon sous le ciel noir,
De peur que la pitié dans les cœurs ne tarisse ;
Il faut que quelqu'un mène à l'enfant sans nourrice
La chèvre aux fauves yeux qui rôde au flanc des monts ;
Il faut quelqu'un de grand qui fasse dire : Aimons !
Qui couvre de douceur la vie impénétrable,
Qui soit vieux, qui soit jeune, et qui soit vénérable ;
C'est pour cela que Dieu, ce maître du linceul,
Remplace quelquefois la mère par l'aïeul,
Et fait, jugeant l'hiver seul capable de flamme,
Dans l'âme d'un vieillard éclore un cœur de femme.

Donc l'humble petit Paul naquit, fut orphelin,
Eut son grand œil bleu d'ombre et de lumière plein,
Balbutia les mots de la langue ingénue,
Eut la fraîche impudeur de l'innocence nue,