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L’inhospitalité sinistre du fond noir,
Le cloaque où plus tard crouleront les Sodomes,
Le dessous ténébreux des pas de tous les hommes,
Le silence gardant le secret. Arrêtez !
Plus loin n’existe pas. L’ombre de tous côtés !

Ce gouffre est devant lui. L’abject, le froid, l’horrible,
L’évanouissement misérable et terrible,
L’espèce de brouillard que ferait le Léthé,
Cette chose sans nom, l’univers avorté,
Un vide monstrueux où de l’effroi surnage,
L’impossibilité de tourner une page,
Le suprême feuillet faisant le dernier pli !
C’est cela qu’on verrait si l’on voyait l’oubli.
Plus bas que les effets et plus bas que les causes,
La clôture à laquelle aboutissent les choses,
Il la touche, et dans l’ombre, inutile éclaireur,
Il est à l’endroit morne où Tout n’est plus. Terreur.
C’est fini. Le titan regarde l’invisible.

Se rendre sans avoir épuisé le possible,
Les colosses n’ont point cette coutume-là ;
Les géants qu’un amas d’infortune accabla
Luttent encore ; ils ont un fier reste de rage ;
La résistance étant ressemblante à l’outrage
Plaît aux puissants vaincus ; l’aigle mord ses barreaux ;
Faire au sort violence est l’humeur des héros,