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Remuant les granits, les miasmes, les ténèbres,
Et tout le noir dessous de l’Olympe éclatant.
Par moments il s’arrête, il écoute, il entend
Sur sa tête les dieux rire, et pleurer la terre.
Bruit tragique.

Bruit tragique.À plat ventre, ainsi que la panthère,
Il s’aventure ; il voit ce qui n’a pas de nom.
Il n’est plus prisonnier ; s’est-il échappé ? Non.
Où fuir, puisqu’ils ont tout ? Rage ! ô pensée amère !
Il rentre au flanc sacré de la terre sa mère ;
Stagnation. Noirceur. Tombe. Blocs étouffants.
Et dire que les dieux sont là-haut triomphants !
Et que la terre est tout, et qu’ils ont pris la terre !
L’ombre même lui semble hostile et réfractaire.
Mourir, il ne le peut ; mais renaître, qui sait ?
Il va. L’obscurité sans fond, qu’est-ce que c’est ?
Il fouille le néant et le néant résiste.
Parfois un flamboiement, plus noir que la nuit triste,
Derrière une cloison de fournaise apparaît.
Le titan continue. Il se tient en arrêt,
Guette, sape, reprend, creuse, invente sa route,
Et fuit, sans que le mont qu’il a sur lui s’en doute,
Les olympes n’ayant conscience de rien.