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Ah ! dit Phtos, et sa joie est semblable au tonnerre ;
Le voilà libre !

Le voilà libre !Non, la montagne est sur lui.
Les fers sont les anneaux de ce serpent, l’ennui ;
Ils sont rompus ; mais quoi ! Tout ce granit l’arrête ;
Que faire avec ce mont difforme sur sa tête ?
Qu’importe une montagne à qui brisa ses fers !
Certe, il fuira. Dût-il déranger les enfers,
Certe, il s’évadera dans la profondeur sombre !
Qu’importe le possible et les chaos sans nombre,
Le précipice en bas, l’escarpement en haut !
Fauve, il dépave avec ses ongles son cachot.
Il arrache une pierre, une autre, une autre encore ;
Oh ! quelle étrange nuit sous l’univers sonore !
Un trou s’offre, lugubre, il y plonge, et, rampant
Dans un vide où l’effroi du tombeau se répand,
Il voit sous lui de l’ombre et de l’horreur. Il entre.
Il est dans on ne sait quel intérieur d’antre ;
Il avance, il serpente, il fend les blocs mal joints ;
Il disloque la roche entre ses vastes poings ;
Les enchevêtrements de racines vivaces,
Les fuites d’eau mouillant de livides crevasses,
Il franchit tout ; des reins, des coudes, des talons,
Il pousse devant lui l’abîme et dit : Allons !
Et le voilà perdu sous des amas funèbres,