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Ils ont échoué l’hydre, éteint les ignivomes,
Et du sinistre enfer augmenté les fantômes,
Et, bouleversant tout, ondes, souffles, typhons,
Ils ont déconcerté les prodiges profonds.
La terre en proie aux dieux fut le champ de bataille ;
Ils ont frappé les fronts qui dépassaient leur taille,
Et détruit sans pitié, sans gloire, sans pudeur,
Hélas ! quiconque avait pour crime la grandeur.

Les lacs sont indignés des monts qu’ils réfléchissent,
Car les monts ont trahi ; sur un faîte où blanchissent
Des os d’enfants percés par les flèches du ciel,
Cime aride et pareille aux lieux semés de sel,
La pierre qui jadis fut Niobé médite ;
La vaste Afrique semble exilée et maudite ;
Le Nil cache éperdu sa source à tous les yeux,
De peur de voir briser son urne par les dieux ;
On sent partout la fin, la borne, la limite ;
L’étang, clair sous l’amas des branchages, imite
L’œil tragique et brillant du fiévreux qui mourra ;
L’effroi tient Delphe en Grèce et dans l’Inde Ellorah ;
Phœbus Sminthée usurpe aux cieux le char solaire ;
Que de honte ! Et l’on peut juger de la colère
De Démèter, l’aïeule auguste de Cérès,
Par l’échevèlement farouche des forêts.