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Étant l’énormité, je vois l’immensité ;
Je vois toute la nuit et toute la clarté ;
Je vois le dernier lieu, je vois le dernier nombre,
Et ma prunelle atteint l’extrémité de l’ombre ;
Je suis le regardeur infini. Dans ma main
J’ai tout, le temps, l’esprit, hier, aujourd’hui, demain.
Je vois les trous de taupe et les gouffres d’aurore,
Tout ! et, là même où rien n’est plus, je vois encore.
Depuis l’azur sans borne où les cieux sur les cieux
Tournent comme un rouage aux flamboyants essieux,
Jusqu’au néant des morts auquel le ver travaille,
Je sais tout ! je vois tout !

Je sais tout ! je vois tout !― Vois-tu ce brin de paille ?
Dit l’étrange clarté d’où sortait une voix.
Indra baissa la tête et cria : ― Je le vois.
Lumière, je te dis que j’embrasse tout l’être ;
Toi-même, entends-tu bien, tu ne peux disparaître
De mon regard, jamais éclipsé ni décru !

À peine eut-il parlé qu’elle avait disparu.