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Le ciel auteur de tout, du mal comme du bien,
Amalgame, construit, veut, rejette, préfère,
Et seul crée, et seul fait ce que l’homme croit faire ;
Le ciel, — sans demander si c’est à l’immortel
Ou si c’est au tyran qu’on élève un autel,
Sans s’informer à qui la foule prostitue
Ou consacre l’airain, le marbre, la statue, —
Anime l’ouvrier, fondeur ou forgeron,
Et sur le moule obscur, béant comme un clairon,
Où l’artiste sculpta Cécrops ou Polyphonte,
Penche et fait basculer les chaudières de fonte ;
Eh bien, ce ciel sacré, pur, jamais endormi,
Qui donne au combattant le cheval pour ami,
Au laboureur le bœuf ruminant dans l’étable,
Ô mer, c’est lui qui veut que, saint et respectable,
Le bronze soit formé d’or, de cuivre et d’étain ;
Comme un sage, envoyé pour vaincre le destin,
Étant la souveraine et grande conscience,
Est composé de foi, d’honneur, de patience ;
L’un affronte les ans, et l’autre les bourreaux ;
Et le ciel fait l’airain comme il fait le héros.

C’est ainsi que je fus créé comme un athlète ;
Aujourd’hui ta colère énorme me complète,
Ô mer, et je suis grand sur mon socle divin
De toute ta grandeur rongeant mes pieds en vain ;