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Tristes esquifs partis, croyant aux providences !
Et les sphères menaient dans le ciel bleu leurs danses ;
Et, n’ayant pu montrer ni le port ni l’écueil,
Ni préserver la nef de devenir cercueil,
Les constellations, jetant leur lueur pâle
Jusqu’au lit ténébreux de la grande eau fatale,
Et sous l’onde, et parmi les effrayants roseaux,
Dessinant la figure obscure des vaisseaux,
Poupes et mâts, débris des sapins et des ormes,
Éclairaient vaguement ces squelettes difformes,
Et faisaient sous l’écume, au fond du gouffre amer,
Rire aux dépens des dieux les monstres de la mer.
Les morts flottaient sous l’eau qui jamais ne s’arrête,
Et par moments, levant hors de l’onde la tête,
Ils semblaient adresser, dans leurs vagues réveils,
Une question sombre et terrible aux soleils.

C’est alors que, des flots dorant les sombres cimes,
Voulant sauver l’honneur des Jupiters sublimes,
Voulant montrer l’asile aux matelots, rêvant
Dans son Alexandrie, à l’épreuve du vent,
La haute majesté d’un phare inébranlable
À la solidité des montagnes semblable,
Présent jusqu’à la fin des siècles sur la mer,
Avec du jaspe, avec du marbre, avec du fer,
Avec les durs granits taillés en tétraèdres,
Avec le roc des monts, avec le bois des cèdres,