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Du Taurus fièrement garde l’âpre ravin ;
Hécube est sainte ; Achille est terrible et divin ;
Il semble, après Thésée, Astyage, Alexandre,
Que l’homme trop grandi ne peut plus que descendre ;
La calme majesté revêt Belochus trois ;
Xercès, de Salamine assiégeant les détroits,
Ressemble à l’aquilon des mers ; Penthésilée
A sur son dos la peau d’une bête étoilée,
Et, superbe, apparaît tendant son arc courbé ;
Didon, Sémiramis, Thalestris, Niobé,
Resplendissent parmi les profondeurs sereines ;
Mais entre tous ces rois, entre toutes ces reines,
Reines au sceptre d’or qu’admire un peuple heureux,
Rois vainqueurs ou bénis, se disputant entr’eux
Ces fiers surnoms, le grand, le beau, le fort, le juste,
Artémise est sublime et Mausole est auguste.

Je suis le monument du cœur démesuré ;
La mort n’est plus la mort sous mon dôme azuré ;
Elle est splendide, elle est prospère, elle est vivante ;
Elle a tant de porphyre et d’or qu’elle s’en vante ;
Je suis le deuil triomphe et le tombeau palais ;
Oh ! tant qu’on chantera ce chant : — Oublions-les,
Vivons, soyons heureux ! — aux morts gisant sous terre ;
Tant que les voluptés riront près du mystère ;
Tant qu’on noiera ses deuils dans les vins décevants,
Moi l’édifice sombre et superbe, ô vivants,