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L’homme élève vers moi ses mains universelles.
Les éphèbes, portant de sonores crécelles,
Dansent sur mes parvis, jeunes fronts inégaux ;
Sous ma porte est la pierre où Deuxippe d’Argos
S’asseyait, et d’Orphée expliquait les passages ;
Mon vestibule sert de promenade aux sages,
Parlant, causant, avec des gestes familiers,
Tour à tour blancs et noirs dans l’ombre des piliers.

Corinthe en me voyant pleure, et l’art ionique
Me revêt de sa pure et sereine tunique.

Le mont porte en triomphe à son sommet hautain
L’épanouissement glorieux du matin,
Mais ma beauté n’est point par la sienne éclipsée,
Car le soleil n’est pas plus grand que la pensée ;
Ce que j’étais hier, je le serai demain ;
Je vis, j’ai sur mon front, siècles, l’esprit humain,
Et le génie, et l’art, ces égaux de l’aurore.

La pierre est dans la terre ; âpre et froide, elle ignore ;
Le granit est la brute informe de la nuit,
L’albâtre ne sait pas que l’aube existe et luit,
Le porphyre est aveugle et le marbre est stupide ;
Mais que Ctésiphon passe, ou Dédale, ou Chrespide,