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Et crie à ce troupeau murmurant grâce ! grâce !
— Colombes, ôtez-vous de là ; le vautour passe !

La nuit vient, et toujours, tremblant, pleurant, fuyant,
L’enfant effaré court devant l’homme effrayant.
C’est l’heure où l’horizon semble un rêve, et recule.
Clair de lune, halliers, bruyères, crépuscule.
La poursuite s’acharne, et, plus qu’auparavant
Forcenée, à travers les arbres et le vent,
Fait peur à l’ombre même, et donne le vertige
Aux sapins sur les monts, aux roses sur leur tige.
L’enfant sans armes, l’homme avec son couperet,
Courent dans la noirceur des bois, et l’on dirait
Que dans la forêt spectre ils deviennent fantômes.

Une femme, d’un groupe obscur de toits de chaumes,
Sort, et ne peut parler, les larmes l’étouffant ;
C’est une mère, elle a dans les bras son enfant,
Et c’est une nourrice, elle a le sein nu. — Grâce !
Dit-elle, en bégayant ; et dans le vaste espace
Angus s’enfuit. — Jamais ! dit Tiphaine inhumain.
Mais la femme à genoux lui barre le chemin.
— Arrête ! sois clément, afin que Dieu t’exauce !
Grâce ! Au nom du berceau, n’ouvre pas une fosse !
Sois vainqueur, c’est assez ; ne sois pas assassin.
Fais grâce. Cet enfant que j’ai là sur mon sein
T’implore pour l’enfant que cherche ton épée.
Entends-moi ; laisse fuir cette proie échappée.