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L’âpre rocher qui sert à ce vieillard d’asile,
Et dit : Tu vas le faire échapper, imbécile !
Et, sinistre, il remet son cheval au galop.

Quelle que soit la course et la hâte du flot,
Le vent lointain finit toujours par le rejoindre ;
Angus entend venir Tiphaine, et le voit poindre
Parmi des profondeurs d’arbres, à l’horizon.

Un couvent d’où s’élève une vague oraison
Apparaît ; on entend une cloche qui tinte ;
Et des rayons du soir la haute église atteinte
S’ouvre, et l’on voit sortir du portail à pas lents
Une procession d’ombres en voiles blancs ;
Ce sont des sœurs ayant à leur tête l’abbesse,
Et leur chant grave monte au ciel où le jour baisse ;
Elles ont vu s’enfuir l’enfant désespéré ;
Alors leur voix profonde a dit miserere ;
L’abbesse les amène ; elle dresse sa crosse
Entre l’adolescent frêle et l’homme féroce ;
On porte devant elle un grand crucifix noir ;
Toutes ces vierges, sœurs qu’enchaîne un saint devoir,
Pleurent sur le vainqueur comme sur la victime,
Et viennent opposer au passage d’un crime
Le Christ immense ouvrant ses bras au genre humain.
Tiphaine arrive sombre et la hache à la main,