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Ils serpentent, parfois se touchant presque ; puis,
N’ayant plus que la fuite et l’effroi pour appuis,
Rapide, agile et fils d’une race écuyère,
L’enfant glisse, et, sautant par-dessus la bruyère,
Se perd dans le hallier comme dans une mer.
Ainsi courrait avril poursuivi par l’hiver.
Comme deux ouragans l’un après l’autre ils passent.
Les pierres sous leurs pas roulent, les branches cassent,
L’écureuil effrayé sort des buissons tordus.
Oh ! comment mettre ici dans des vers éperdus
Les bonds prodigieux de cette chasse affreuse,
Le coteau qui surgit, le vallon qui se creuse,
Les précipices, l’antre obscur, l’escarpement,
Les deux sombres chevaux, le vainqueur écumant,
L’enfant pâle, et l’horreur des forêts formidables ?
Il n’est pas pour l’effroi de lieux inabordables,
Et rien n’a jamais fait reculer la fureur ;
Comme le cerf, le tigre est un ardent coureur ;
Ils vont !

On n’entend plus, même au loin, les haleines
Du peuple bourdonnant qui s’en retourne aux plaines.
Le vaincu, le vainqueur courent tragiquement.