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La lice est pavoisée, et sur les banderolles
On lit de fiers conseils et de graves paroles :
« — Brave qui n’est pas bon n’est brave qu’à demi. »
« — Soyez hospitalier, même à votre ennemi ;
« Le chêne au bûcheron ne refuse pas l’ombre. »

Les pauvres gens des bois accourent en grand nombre ;
Plusieurs sont encor peints comme étaient leurs aïeux,
Des cercles d’un bleu sombre agrandissent leurs yeux,
Sur leur tête attentive, étonnée et muette,
Les uns ont le héron, les autres la chouette,
Et l’on peut distinguer aux plumes du bonnet
Les Scots d’Abernethy des Pictes de Menheit ;
Ils ont l’habit de cuir des antiques provinces ;
Ils viennent contempler le combat de deux princes,
Mais restent à distance et regardent de loin,
Car ils ont peur ; le peuple est un pâle témoin.

Si l’on ne voyait pas au ciel le tatouage
De l’azur, du rayon, de l’ombre et du nuage,
On n’apercevrait rien qu’un paysage noir ;
L’œil dans un clair-obscur inquiétant à voir
S’enfonce, et la bruyère est morne, et dans la brume
On devine, au-delà des mers, l’Hékla qui fume
Ainsi qu’un soupirail d’enfer à l’horizon.