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C’est le soir ; et Tiphaine est oisif. Les mélèzes
Font au loin un bruit vague au penchant des falaises.

Ce Tiphaine est le lord sauvage des forêts ;
Pas un loup n’oserait l’approcher de trop près ;
Il s’est fait un royaume avec une montagne ;
On le craint en Écosse, en Northumbre, en Bretagne ;
On ne l’attaque pas, tant il est toujours seul ;
Être dans le désert, c’est vivre en un linceul.
Il fait peur. Est-il prince ? est-il né sous le chaume ?
On ne sait ; un bandit qui serait un fantôme,
C’est Tiphaine ; et les vents et les lacs et les bois
Semblent ne prononcer son nom qu’à demi-voix ;
Pourtant ce n’est qu’un homme ; il bâille.

Pourtant ce n’est qu’un homme ; il bâille.Lord Tiphaine
A mis autour de lui l’effroi comme une chaîne ;
Mais il en sent le poids ; tout s’enfuit devant lui ;
Mais l’orgueil est la forme altière de l’ennui.
N’ayant personne à vaincre, il ne sait plus que faire.
Soudain il voit venir l’écuyer qu’il préfère,
Bernard, un bon archer qui sait lire, et Bernard
Dit : — Milord, préparez la hache et le poignard.
Un seigneur vous écrit. — Quel est ce seigneur ? — Sire,