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J’ai le Rhin aux sept monts, la Gaule aux sept provinces.
T’attaquer, toi vieillard, j’en serais bien fâché.
Donne-nous ta montagne, et je t’offre un duché.
Je t’offre en ma Bourgogne autant de bonne terre
Qu’on en voit de mauvaise en ce mont solitaire.
Accepte, car nos champs donnent beaucoup de blé.
Le trouvère Ericus d’Auxerre en a parlé.
Arles t’attend. Je t’offre en ma ville latine
Un palais où, vieillards à la voix enfantine,
Les poëtes viendront, hôtes mélodieux,
Te chanter, comme au temps qu’on croyait aux faux dieux.
Tu seras un seigneur dans mon pompeux cortége,
Et tu présideras des cours d’amour. La neige,
La bise, le brouillard, les ouragans hurlants,
Font une sombre fête à tes fiers cheveux blancs,
Car cet âpre sommet a, sous le vent sonore,
Plus d’hiver que d’été, plus de nuit que d’aurore.
Viens te chauffer, vieillard. Je t’offre le midi.
Tu cueilleras la rose et le lys d’Engaddi.
Accepte. On trouve ainsi moyen de plaire aux femmes ;
Car il est gracieux de s’approcher des dames
En souriant avec des bouquets dans les mains.
L’aloès, le palmier, les œillets, les jasmins
Emplissent nos jardins d’encens et d’allégresse,
Et l’ancien dieu Printemps, qu’on adorait en Grèce,
N’avait pas plus de fleurs quand il les rassembla
Toutes, pour les offrir aux abeilles d’Hybla.
Lève la herse, abats le pont, ouvre la porte,