Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/230

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le Cid prend ce haillon, torchon du peuple, et semble
Essuyer le regard des princes sur son front.

Comment serait-il fier puisqu’il a tant de gloire ?
Les filles dans leur cœur aiment cet Amadis ;
La main blanche souvent jalouse la main noire
Qui serre ce poing fort, plein de foudres jadis.

Ils se disent, causant, quand les nuits sont tombées,
Que cet homme si doux, dans des temps plus hardis,
Fut terrible, et, géant, faisait des enjambées
Des tours de Pampelune aux clochers de Cadix.

Il n’est pas un d’entre eux qui ne soit prêt à suivre
Partout ce Ruy Diaz comme un céleste esprit,
En mer, sur terre, au bruit des trompettes de cuivre,
Malgré le groupe blond des enfants qui sourit.

Tels sont ces laboureurs. Pour défendre l’Espagne,
Ces rustres au besoin font plus que des infants ;
Ils ont des chariots criant dans la campagne,
Et sont trop dédaigneux pour être triomphants.

Ils cultivent les blés où chantent les cigales ;
Pélage à lui jadis les voyait accourir,