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Le grelot des moutons y semble la marotte
Dont l’animal, fou sombre, amuse Dieu tyran.

Peu d’herbe ; les brebis paissent exténuées ;
Le pâtre a tout l’hiver sur son toit de roseaux
Le bouleversement farouche des nuées
Quand les hydres de pluie ouvrent leurs noirs naseaux.

Ces hommes sont vaillants. Âmes de candeur pleines,
Leur regard est souvent fauve, jamais moqueur ;
Rien ne gêne le souffle immense dans les plaines ;
La liberté du vent leur passe dans le cœur.

Leurs filles qui s’en vont laver aux cressonnières,
Plongent leur jambe rose au courant des ruisseaux ;
On ne sait, en entrant dans leurs maisons tanières,
Si l’on voit des enfants ou bien des lionceaux.

Voisins du bon proscrit, ils labourent, ils sèment,
À l’ombre de la tour du preux Campéador ;
Contents de leur ciel bleu, pauvres, libres, ils aiment
Le Cid plus que le roi, le soleil plus que l’or.

Ils récoltent au bas des monts, comme en Provence,
Du vin qu’ils font vieillir dans des outres de peau ;