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Mangez ! Et l’enfant joue, et dans un coin l’aïeule
Raccommode un vieux cistre aux cordes de métal.

Quelques-uns sont bergers dans les grands terrains vagues,
Champs que les bataillons ont légués aux troupeaux,
Mer de plaines ayant les collines pour vagues,
Où César a laissé l’ombre de ses drapeaux.

Là passent des bœufs roux qui sonnent de la cloche,
Avertissant l’oiseau de leur captivité ;
L’homme y féconde un sol plus âpre que la roche,
Et de cette misère extrait de la fierté.

L’égyptienne y rôde, et suspend en guirlandes
Sur sa robe en lambeaux les bleuets du sillon ;
La fleur s’offre aux gypsis errantes dans ces landes,
Car, fille du fumier, elle est sœur du haillon.

Là, tout est rude ; août flamboie et janvier gèle ;
Le zingaro regarde, en venant boire aux puits,
Les ronds mouillés que font les seaux sur la margelle,
Tout cercle étant la forme effrayante des nuits.

Là, dans les grès hideux, l’ermite fait sa grotte.
Lieux tristes ! Le boucher y vient trois fois par an ;