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Est-ce à jamais qu’Alvar, Nuno, Gil, nains heureux,
Éclipsent le grand Cid exilé derrière eux ?

Quand le voyageur sort d’Oyarzun, il s’étonne,
Il regarde, il ne voit, sous le noir ciel qui tonne,
Que le mont d’Oyarzun, médiocre et pelé :
— Mais ce Pic du Midi dont on m’avait parlé,
Où donc est-il ? Ce Pic, le plus haut des Espagnes,
N’existe point. S’il m’est caché par ces montagnes,
Il n’est pas grand. Un peu d’ombre l’anéantit. —
Cela dit, il s’en va, point fâché, lui petit,
Que ce mont qu’on disait si haut ne soit qu’un rêve.
Il marche, la nuit vient, puis l’aurore se lève,
Le voyageur repart, son bâton à la main,
Et songe, et va disant tout le long du chemin :
— Bah ! s’il existe un Pic du Midi, que je meure !
La montagne Oyarzun est belle, à la bonne heure ! —
Laissant derrière lui hameaux, clochers et tours,
Villes et bois, il marche un jour, deux jours, trois jours ;
— Le genre humain dirait trois siècles ; — il s’enfonce
Dans la lande à travers la bruyère et la ronce ;
Enfin, par hasard, las, inattentif, distrait,
Il se tourne, et voici qu’à ses yeux reparaît,
Comme un songe revient confus à la pensée,
La plaine dont il sort et qu’il a traversée,
L’église et la forêt, le puits et le gazon ;
Soudain, presque tremblant, là-bas, sur l’horizon